Trois questions à Mme Leila Benali, Présidente de la 6ème Assemblée de l’ONU-Environnement

Trois questions à Mme Leila Benali, Présidente de la 6ème Assemblée de l’ONU-Environnement

En marge de la 6ème Assemblée de l’ONU-Environnement (ANUE-6), tenue du 26 février au 1er mars au siège du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) à Nairobi, la Présidente de cette 6ème assemblée, la ministre de la Transition énergétique et du Développement durable, Leila Benali, a accordé un entretien à la MAP, dans lequel elle est revenue sur les principaux points ayant caractérisé le mandat du Maroc, ainsi que sur les résultats phares de cette session.

1- Lorsque vous-avez été élue Présidente de l’ANUE-6 en mars 2022 , vous aviez insisté sur la nécessité de consolider les acquis, ainsi que sur l’importance du multilatéralisme et la solidarité internationale dans la lutte contre les défis environnementaux. Quelles sont les principales avancées réalisées au cours du mandat du Maroc à la tête de cette assemblée ?

Nous pouvons affirmer avec fierté que pendant ce mandat, nous avons réalisé des avancées notables dans notre mission principale, à savoir œuvrer en faveur du droit humain légitime à un environnement propre, sain et durable.

En effet, au cours des deux dernières années, plusieurs conventions internationales ont été adoptées, dont notamment l’Accord sur la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale, qui jouera un rôle crucial dans la réalisation de l’objectif mondial 30×30, portant sur la conservation et la gestion efficaces d’au moins 30 pour cent de la superficie terrestre et des eaux intérieures de la planète d’ici 2030.

D’autres textes importants ont été adoptés au cours de la même période, tels que le Cadre mondial de la biodiversité de Kunming à Montréal qui comprend quatre objectifs globaux à l’horizon 2050, axés sur la santé des écosystèmes et des espèces, l’utilisation durable de la biodiversité, le partage équitables d’avantages et la mise en œuvre et le financement pour combler le déficit de financement de la biodiversité.

Il s’agit également du “Bilan mondial” sur les changements climatiques, adopté il y a quelques mois à peine à Dubaï, et qui constitue la première évaluation des progrès mondiaux dans la mise en œuvre de l’Accord de Paris de 2015. Le Cadre mondial sur les produits chimiques est également un texte important qui a été convenu, en plus des négociations en cours concernant un traité international juridiquement contraignant sur la pollution plastique.

Outre les textes adoptés et avancés, le mandat du Royaume du Maroc à la tête de l’Assemblée de l’ONU-Environnement s’est distingué par un fort accent sur la coopération et le multilatéralisme, et ce, en poussant vers des actions multilatérales efficaces, inclusives et durables afin de lutter contre le changement climatique, la pollution et la perte de biodiversité.

2- La 6ème assemblée de l’ONU-Environnement s’est tenue dans le sillage d’une conjoncture mondiale marquée par de nombreux défis qui retiennent toute l’attention des différents décideurs. Quels sont, selon vous, les principaux enjeux qui risqueraient de reléguer la question environnementale au second plan des priorités mondiales?

D’abord il convient de rappeler que les températures mondiales ont battu un nouveau record en 2023, tandis que l’urgence climatique continue de ravager des pays et des populations à travers le monde, avec un impact plus désastreux sur les plus pauvres et les plus vulnérables. Des centaines de milliers d’espèces sont en voie d’extinction, tandis que plus de 3,2 milliards de personnes sont touchées par la dégradation des terres. De même, chaque année, l’exposition à la pollution et aux produits chimiques fait des millions de morts.

En 2024, nous avons de nombreuses raisons de nous détourner de notre mission de mettre le monde sur la voie du développement durable, puisque nous sommes tous confrontés à trois points d’inflexion partout où nous vivons.

Premièrement, cette année est marquée par au moins deux conflits armés majeurs, en Europe et au Moyen-Orient, avec des implications géopolitiques, économiques et sociales mondiales qui se feront sentir dans toutes les régions du monde.

Le deuxième point d’inflexion, qui pourrait nous distraire en tant que politiques et décideurs, est que 40% de la population mondiale élira ses dirigeants cette année. Ainsi, des dirigeants pourraient changer, voire inverser les politiques et les réalisations en matière de développement durable.

Le 3ème point d’inflexion en 2024 est que le système multilatéral est soumis à une pression pour le moins sans précédent.

Toutes ces raisons font de la 6ème Assemblée de l’ONU-Environnement, l’organe décisionnel multilatéral de plus haut niveau sur les questions environnementales, une session cruciale.

3- Quelles sont donc les réponses apportées par cette 6ème assemblée de l’ONU-Environnement aux défis environnementaux pressants, dans le sillage des enjeux que vous venez de souligner ?

Il est à souligner que cette édition a réuni une dizaine de chefs d’Etat et de gouvernement, plus de 150 ministres chargés de l’Environnement et plus de 7.000 participants, ce qui traduit l’engagement de tous à oeuvrer de concert pour parvenir à des solutions multilatérales et consensuelles à la triple crise planétaire du changement climatique, de la perte de la nature et de la pollution.

Pas moins de 15 résolutions, toutes aussi cruciales les unes que les autres, ont été adoptées et des acquis remarquables ont été réalisés en matière de progrès vers la neutralité carbone, de lutte contre les produits chimiques et les déchets, entre autres problématiques.

Ces résolutions sont de nature à consolider la gouvernance climatique, rationaliser la gestion des ressources en eau, améliorer la qualité de l’air et relever des défis tels que la dégradation des sols, la désertification et la pollution des océans.

A cet effet, dans le cadre de notre mandat, nous avons lancé une initiative d’Alliance de bonne volonté climatique qui comprend un ensemble de dirigeants mondiaux avec une vision commune et qui partagent le souci de la nécessité du renforcement de la coopération multilatérale et de l’adéquation du soutien financier à la science et la durabilité.

Cette session a également été marquée par l’inscription, pour la première fois, du thème “Accords multilatéraux sur l’environnement” à l’ordre du jour de l’Assemblée de l’ONU-Environnement, eu égard à son importance dans le renforcement de la gouvernance climatique internationale et dans la mise en place d’un cadre qui permettrait aux Etats de faire face aux défis environnementaux communs.

De même, une déclaration ministérielle d’une importance majeure a été adoptée, ayant pour objectif de rétablir la confiance dans le système multilatéral. Ce texte sera soumis au Secrétaire général des Nations Unies en tant que contribution au prochain Sommet de l’avenir, prévu en septembre de cette année à New York.

Sur le plan national, cette 6ème assemblée a été l’occasion de mettre en avant les progrès réalisés sous la Conduite éclairée de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, à travers les projets structurants dans plusieurs domaines, tels que les énergies renouvelables et l’hydrogène vert, la gestion durable des ressources hydriques, ainsi que la co-organisation de la Coupe du Monde 2030 aux côtés de l’Espagne et du Portugal.

De même, nous avons tenu une série de rencontres bilatérales avec un ensemble de ministres et de chefs d’Organisations internationales, avec pour ambition de renforcer la coopération et explorer les opportunités d’investissement dans les domaines de la protection de l’environnement et du développement durable.

MAP


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